La Lanterne Rouge

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Les aventures d'un 486 DX2 au XXIème siècle (2ème partie)

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L'aventure de mon 486 continue. Dans l'épisode précédent, j'avais choisi la distribution GNU/Linux que j'allais tenter d'installer sur la machine : une Slackware 8.1. J'avais préparé les (7) disquettes nécessaires – non sans m'être rendu compte après-coup que certaines avaient dépassé la date limite. Puis je m'étais lancé dans la procédure.

Intel_i486DX2.jpgOptimiste, j'ai utilisé l'image bare.i qui comprend donc tout le nécessaire pour utiliser la plupart du matériel de 2002 (ou plus ancien). J'arrive au prompt qui m'invite à insérer les rootdisks l'une après l'autre pour charger l'environnement "live" et tout se passe bien... jusqu'à la troisième disquette. "Not enough memory" qu'il me dit, l'effronté. Bon OK c'est vrai que 6 Mo de RAM c'est pas beaucoup, surtout pour le bootdisk le plus gros.

Je reviens sur Warrick et remplace l'image bare.i par celle de lowmem.i sur ma disquette de boot. Et je reprends tout du début.

Bim. Arrivé à la troisième disquette, rebelote.

Là je pense être dans une impasse. Les 6 Mo ne seront définitivement pas suffisants pour faire mumuse avec la Slackware. Je démonte le capot et regarde la tête des barrettes de RAM. Un petit tour sur PriceMinister et je commande un lot de ce qui est présenté comme "2 barrettes EDO de 8Mo" à 0,90€ (+2,80€ de frais de port). Raisonnable, pensai-je.

Je reçois quelques jours plus tard un sachet contenant 6-7 barrettes, la plupart de capacité inconnue, que je teste l'une après l'autre, espérant obtenir finalement 24 ou même 32 Mo de RAM utilisables. Peine perdue, seules 2 barrettes fonctionnent (sur ma carte mère je précise, car les barrettes ne sont peut-être pas en tort) ce qui me permet quand même d'obtenir mes 16Mo de RAM.

Je relance une fois de plus l'installation...

Deuxième tentative

Plus d'erreur de mémoire à la troisième disquette mais une erreur me signalant qu'il n'arrive pas à initialiser l'environnement à la fin de la cinquième.

Je réfléchis tout en jetant un oeil au tas de disquettes qui était auparavant une pile propre... Il me vient alors l'envie de me mordre les doigts d'avoir été trop flemmard pour numéroter les disquettes. J'ai dû en inverser deux, ce qui corrompt l'installeur et empêche son exécution.

Allez, je repars de zéro et pour plus d'assurance je recrée toutes les disquettes en prenant cette fois bien soin des les numéroter proprement. Un quart d'heure plus tard, je relance l'installation une fois encore.

Cette fois-ci ça passe, les cinq disquettes se chargent et j'obtiens un beau prompt bash à l'arrivée !

Bon, quelle est la prochaine étape déjà ? Ah oui, configurer le réseau pour accéder aux packages par NFS. J'insère la disquette "network" et c'est parti.

Le système est très didactique : un menu permet au choix de charger un pilote particulier (si on le connait déjà), de lister les pilotes disponibles, ou bien de tenter une autodétection, même si elle est déconseillée (notamment pour certaines vieilles cartes ISA qui pourraient ne pas supporter cette opération et se bloquer). Mais cela ne semble pas concerner ma carte donc je la tente. Il s'agit simplement d'une boucle qui tente de charger les modules kernel un par un, en attendant que l'un d'eux retourne autre chose qu'une erreur.

Deux minutes après, l'assistant s'excuse (il est très poli) et regrette de n'avoir pas trouvé de carte réseau compatible au cours de l'autodétection. Cependant, il me conseille de tenter de charger le pilote adéquat en précisant les valeurs d'IRQ et d'I/O en paramètre.

Zut, je ne les ai pas sur moi, et puis de toute façon je ne sais pas quel pilote correspond. Mais Windows doit connaître tout ça puisque la carte fonctionnait avec. J'éteins le PC à regret et replace le disque dur contenant encore Windows 95 puis je reboote.

Petit tour dans le Panneau de Configuration, matériel, propriétés, et je récupère les précieuses valeurs : c'est donc une carte "Compatible NE2000" – un nom que je me souviens avoir déjà lu au cours de recherches antérieures – et elle utilise l'IRQ 10 avec l'adresse I/O 0x240. Parfait, avec ça je suis paré.

DM9008F : le mal de tête

Je réinstalle le disque dur qui accueillera bientôt la Slackware (du moins j'espère) et je relance une nouvelle fois le processus... C'est long, rébarbatif et on ne sait jamais si c'est la dernière fois qu'on le fait. Mais avec les informations que j'ai à présent, je suis confiant. Je vais mettre en place le réseau, monter mon dossier NFS et l'installation sera peut-être longue, mais je n'aurai pas à rester devant tout du long.

Cette fois je ne tente pas l'autodétection qui aboutirait à un nouvel échec. Je passe directement au chargement manuel des pilotes. Voyons, carte NE2000, cela devrait correspondre au driver ne.ko. Je lui passe donc les précieuses valeurs récupérées plus tôt sous Windows.

modprobe ne irq=10 io=Ox240

Mais le résultat n'est pas celui escompté : le driver me retourne une erreur, signe qu'il ne trouve toujours pas la carte correspondante.

Je vérifie plusieurs fois, corrige mon O en 0 dans "0x240" – une erreur que mes doigts font trop souvent, alors même que je traduis bien "zéro" dans ma tête en le lisant – et tente d'autres valeurs glanées sur le Web.

Je finis par écrire un script bash qui va tenter toutes les combinaisons possibles de valeurs pour l'IRQ et l'I/O sur les 2 plages données. Après la longue et lente exécution de celui-ci, je ne peux que constater mon échec cuisant. Je laisse le sujet de côté, le temps de fouiller le Web.

Je passe les jours suivants en infructueuses recherches à essayer différents trucs trouvés ici et là, dans de vieux sujets de forums du début du siècle. Je retire la carte son, qui pourrait entrer en conflit avec celle réseau. Je tente même l'exorcisme et le sacrifice de moustique mais rien n'y fait.

Dans une impasse, je demande de l'aide sur un forum et quelqu'un me conseille de trouver la disquette qui était vendue avec la carte afin de pouvoir la reparamétrer. Je n'y crois pas trop mais après réflexion et hésitation, je pars finalement à la recherche de l'image disque sur la Toile, non sans avoir auparavant récupéré le modèle de la carte dans un énième démontage. Il s'agit du chipset DM9008F de Davicom (une sous-fèce de l'époque à en croire la plupart des commentaires sur le Web).

Davicom_DM9008F.jpgJe pars donc à l'aventure. Car c'en est une.

Si dans l'inconscient collectif l'archéologue ressemble souvent à Indiana Jones, partant pour des contrées reculées, taillant la pierre, creusant la terre, époussetant de la poussière (si si), recueillant des indices, des plans, des cartes, le menant finalement à des tombeaux remplis de trésors et autres oeuvres d'art inestimables (tout ça en sauvant au passage quelque damoiselle en détresse, à y être), ... il faut avouer que l'activité d'info-archéologue est déjà beaucoup moins glamour.

On part de Google pour tomber sur des aggrégateurs automatisés bourrés de pubs, où le pourcentage d'information utile frôle le zéro. On décrypte des forums en langue inconnue où nos mots-clés recherchés prennent soudainement une connotation très éloignées de leur signification initiale.

On tatônne, on change un mot-clé, on le remplace, on croit avoir trouvé la page qui nous délivrera les secrets tant espérés... mais ce n'est finalement que celle qu'on a écartée quelques minutes plus tôt.

On use et on abuse du Ctrl-F dans de gigantesques pages, mais sans succès. On s'étonne du nombre de personnes qui ont demandé la même chose que nous sur de nombreux forums, mais sans jamais obtenir de réponse. Pendant ce temps, les seules damoiselles que l'on rencontre nous font les yeux doux uniquement pour récupérer notre numéro de carte bleue.

Et puis enfin, une lumière apparaît au bout du tunnel. On se frotte les yeux, on essuie ses larmes (oui à force de parcourir des pages blanches remplies de texte noir et bariolé on a perdu 2 dixième de chaque côté), et on s'empresse de retenir l'adresse au cas où un cataclysme cosmique s'abattrait subitement sur soi (genre une coupure électrique).

On touche enfin le Graal du doigt — enfin du curseur — et on sent immédiatement une joie intense nous envahir, remplaçant l'amertume et le désespoir qui s'étaient installés insidieusement. On réfléchit rapidement à une phrase digne du moment, un phrase pour l'Histoire, du genre "Putain, enfin ! C'est pas trop tôt bordel !". Et la motivation est revenue.

Plug'n'...pray

indiana jones holy discC'est donc ainsi, après plusieurs jours de recherche, que j'ai réussi à trouver un petit fichier ZIP contenant les utilitaires originaux pour configurer la carte réseau DM9008F.

La suite est plus simple : je crée une disquette bootable, je mets les exécutables dessus et je lance ce qui semble être celui qui va m'aider. Raté, évidemment c'est l'autre. Le seul fichier README présent ne contenant que la liste des fichiers de l'archive (intérêt : zéro), il faut avancer à tâtons, là encore.

Le petit programme me confirme que la carte est bien dans le mode "plug'n'play" conçu pour Windows, mais qui semble plutôt inefficace sous Linux. Je la passe donc en mode manuel et lui attribue les valeurs que j'avais récupérées : IRQ=10 et I/O=0x240. Les modifications s'appliquent avec succès et je redémarre encore pour reprendre l'installation de ma Slackware. À ce moment-là j'ai perdu le compte mais j'en suis arrivé à connaître les timings entre les disquettes et les séquences de touches à presser par coeur.

On arrive ici au moment fatidique, au moment critique où une UC de 20 ans d'âge a failli faire un baptême de chute libre sans parachute (mais en tandem, oui car le moniteur y serait aussi passé).

Car oui, cette fois-ci la commande modprobe ne m'a pas retourné d'erreur, mais je n'avais malgré tout aucune interface réseau de disponible même après avoir chargé ce pilote. Il m'a fallu quelques minutes de réflexion, de tapage de commandes intensifs pour réaliser que c'était peut-être dû au fait que l'image noyau (toujours lowmem.i, je rappelle) que j'avais chargée ne supportait pas le réseau.

Mais à présent que je disposais de 16 Mo de RAM, qu'est-ce qui m'empêchait de retenter avec bare.i ? Rien, tout simplement.

Un reboot plus tard, je charge à nouveau le pilote le la carte et un

ifconfig -a

me propose enfin une interface eth0 ! Allelluia !

Je m'empresse de la configurer, et j'obtiens bien une adresse IP toute propre avec une connectivité sans faille.

Un montage NFS plus tard, j'arrive finalement à parcourir les dossiers du media d'installation de la Slackware 8.1 depuis ma vénérable machine. Il est à présent temps de lancer l'installation proprement dite, que j'envisage assez longue : la carte réseau ne fonctionnant qu'en 10BASE-T, le disque dur étant d'un autre âge et le processeur ayant été fondu pendant la guerre (du Golfe, la première), il n'y a aucune raison de s'attendre à autre chose.

Mais ce n'est pas important. J'ai enfin résolu le plus gros des problèmes, et cette partie consistera principalement à laisser les packages s'installer tout seuls.

La suite dans le troisième épisode !

La suite :

Les aventures d'un 486 DX2 au XXIème siècle (3ème partie)

Les aventures d'un 486 DX2 au XXIème siècle (4ème partie)

Les aventures d'un 486 DX2 au XXIème siècle (5ème et dernière partie)